Lyon

Premier épisode - La ville, les évènements

Notes d’écriture :
Cet article est écrit à Bordeaux, six mois plus tard. Nous avons séjourné dix jours à Lyon en avril dernier, après avoir visité Marseille. Et on y retourne ce mois-ci, du 23 octobre au 1er novembre.

Le chemin vers Lyon

Plusieurs choses nous mènent à cette ville.

• La première, c’est que Thomas présente une conférence avec Claire à MiXiT.
Ils présentent tous les deux leurs perspectives sur le travail, la quête d’émancipation et les mythes qui circulent autour des “entreprises libérées”.
• La deuxième, c’est La MYNE.
C’est LE tiers-lieu qui nous a guidé dans notre envie d’en savoir plus sur ces lieux. C’est, à notre connaissance, l’un des premiers à s’être monté en France, fidèle à l’éthique des hackerspaces des États-Unis, avec toute une dimension de laboratoire d’expérimentation citoyenne qui l’accompagne.
• L’autre raison, c’est qu’on poursuit notre tour des moyennes et grandes villes de France, que je ne connaissais pas vraiment Lyon, et c’était l’occasion d’aller voir de moi-même ce qu’il s’y trame.

Impressions de la ville

On a posé nos sacs dans deux quartiers pendant ce séjour : la fameuse Croix-Rousse et le 7ème arrondissement.

Escaliers lyonnais

Pendant nos balades, à pied, à vélo ou en métro, on a la sensation d’une très grande ville, bien plus qu’à Bordeaux. Au ressenti en termes d’échelle, elle s’approche plus de Marseille : la présence des voitures, de la pollution, de transports en commun plus étendus fait vraiment penser à ce que je connais déjà (et que je voudrais quitter).
Ça peut sembler un peu évident, mais j’ai vécu cette urbanité de manière plus subie que choisie. Plus tard, en discutant, Thomas me dit qu’il partage cette sensation, et on s’accorde assez rapidement pour se dire qu’on ne viendra pas habiter ici. Ça n’empêche pas d’être heureux de découvrir la ville à notre manière, d’y retrouver des copains. Pour adoucir la ville et trouver du vert, on a quand même fait quelques pique-niques de circonstance au parc de la Tête d’Or et au jardin des Chartreux.

MiXiT

Parler de complexité informatique et humaine.

Vue d'amphi à MiXiT

Une première pour moi, j’ai été tirée au sort pour assister à cette conférence. Je ne suis encore jamais allée à un évènement qui pratique la billetterie par loterie. Au début je trouve ça un peu exotique, mais je suis rapidement convaincue quand je découvre que c’est une des manières de s’assurer d’un public mixte en conférence : les places ne filent pas à ceux ou celles qui peuvent l’acheter tout de suite (au bon vieux format premier arrivé premier servi), public qui a tendance à être un brin privilégié (a du temps pour ce genre de démarche en journée, peut rapidement demander un financement à son employeur ou se l’auto-financer). En bonus, ça évite d’avoir toujours les mêmes têtes.

Promis, je ne suis pas sponsorisée, mais je n’ai que de bonnes choses à dire sur cet évènement.

• Il y avait des crêpes. Tout le temps.
• Le prix du billet était hyper-accessible.
• Il y avait des affiches avec les grandes lignes du code de conduite, un peu partout, y compris aux toilettes (tout le monde va aux toilettes, c’est un moyen hyper malin de diffuser le message, il y en a même qui apprécient la lecture).
• Le repas avait une option végétarienne (et autres intolérances alimentaires), quasiment tous les emballages étaient recyclés ou compostés sur place.
• Il y avait un espace de repos.
• Il y avait une salle pour l’allaitement ou pour changer son bébé (si on est un parent venu avec son enfant).
• Il y avait des systèmes de vélotypie et de transcription automatique - l’évènement était accessible une grande partie du temps.

La grande classe, et en toute simplicité. Sans effet de style.
L’équipe était super sympa, souriante, présente, ne semblait pas débordée ou au bord du burn out (on connaît le rythme des évènements, prenez soin de vous quand même.)

Parmi les grands moments de la conférence, il y a :

  • Percevoir et Communiquer : Réalité et Fictions personnelles d’Yves Rosetti.
    Ce professeur et chercheur en neurosciences propose un moment concis et riche sur la communication et l’interprétation. Il nous guide à travers des illusions d’optique pour nous apprendre à moins faire confiance à nos perceptions du réel, et mieux comprendre que nous sommes en interprétation constante, et que ça s’infiltre en permanence dans nos interactions, dans notre jugement de nous-même. Une très belle invitation à la pratique de la communication non-violente.

Petit clin d’œil offert par nos amis les Témoins de Jéhovah - vous avez appris à parler… Mais avez vous appris à communiquer ?!

Affiche des témoins de Jéhovah sur la communication

  • Se libérer des entreprises pour créer son équilibre et payer ses factures de Claire Zuliani et un certain Thomas Parisot.
    On est nombreux à avoir ressenti une grande lassitude (ceci est un euphémisme) et de désillusions dans le “monde du travail”. On est nombreux à chercher des manières de travailler autrement, de mieux prendre en compte nos besoins, de mieux nous aligner avec nos activités. Le Saint Graal, dites-vous ? Peut être bien.

En tous cas, Claire et Thomas se sont chacun lancés dans des formes de travail qui sortent de l’ordinaire et leur permettent d’expérimenter. Comment cultiver l’autonomie, la sensation d’accomplissement, tout en préservant une forme de stabilité financière, de protection sociale ? Parmi mes moments préférés, l’après-conf, où se poursuit le débat sur l’existence réelle ou supposée des entreprises libérées, de ce vocabulaire. Mais aussi, le moment où Claire signale l’aspect privilégié de ce genre de démarche, couronnée par une slide avec le mot Privilège écrit en énorme sur fond couleur. Sa nuance apportée sur les non-dits et l’horizontalité, et les rapports de pouvoir qui s’insinuent silencieusement mais sûrement via la référence à “La tyrannie de l’absence de structure” de Joreen Freeman.

Chapeau bas également à Principles for data visualisation de Lynn Cherny,
l’atelier Dataviz sans data: le prototypage rapide de visualisation de données.. sans données! de Romain Vuillemot,
l’atelier Mieux communiquer en découvrant ses filtres d’attention d’Olivier My…

Choses que j’ai loupées et que j’aurais beaucoup aimé voir :

l’Atelier du Chat Perché

L'atelier vélo du Chat Perché

Après la conférence, je file à l’endroit de rêve qu’est l’Atelier du Chat Perché. Comme la London Bike Kitchen, où j’ai fait mes premiers pas d’entretien et de réparation de Marcel (mon vieux Peugeot acheté d’occase avant de partir à Londres), le lieu fait des soirées en non-mixité. À Londres, ça s’appelle WAG night - Women and Gender-Variant night. Deux fois par mois, l’espace est reservé aux personnes qui s’identifient comme des femmes ou des personnes non-binaires. C’est l’occasion de se rencontrer, d’apprendre, de se poser des questions, lors de cours thématiques sur toutes sortes de thématiques centrales pour tout•e cycliste, l’entretien de la chaîne, comment se préparer l’hiver, l’entretien des freins…

Ici, c’est les Heures Félines qui permettent de démonter son vélo et ses stéréotypes de genre. Dans ce genre d’endroit ou de moment, je sais que je vais pouvoir poser toutes mes questions sur la mécanique, qu’on me répondra sans jugement. Je sais qu’en progressant, je pourrai ensuite venir aider d’autres personnes / femmes à se lancer pour faire du vélo. Élu meilleur instrument anti-harcèlement avec le casque audio.

Le soir où je me rends à l’atelier, j’y vais pour un évènement particulier : une conférence gesticulée.

Laure Clerjon nous raconte comment sa rencontre avec le féminisme dans les années 90 a bouleversé sa compréhension du monde. « Une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette ! » criaient les militantes des années 70, mais les femmes à bicyclette aujourd’hui, elles en sont où ? Laure partage avec nous son expérience, ses analyses et les leviers collectifs qu’elle a identifié-e-s pour agir…

Vous voyez un léger schéma se dessiner ? C’est pas terminé :

Théoriser en féministe à l’ENS Lyon

Je prends connaissance de ce colloque un peu tardivement mais je fonce dessus, la matinée de notre départ. C’est notamment “Théoriser en féministe décoloniale”, une conférence de Nasima Moujoud, qui m’intéresse. Je vois passer pas mal d’approches de ce genre, mais elles sont souvent anglophones - il est temps que je me renseigne sur ce qui se fait dans le monde francophone.
J’ai envie et besoin d’en apprendre plus sur la décolonisation des savoirs, notamment féministes.

Quelques notes :

  • Repenser pourquoi, comment, où et pour qui est produit le savoir ? (Le colloque se tient dans une université - lieu de la hiérarchie des savoirs et des personnes, notion… profondément anti-féministe ? Qui en est exclu ? Quelles paroles n’entend-on pas ici ?)
  • Problématisation de sciences sociales comme l’anthropologie. Les sciences sociales au sens large se sont développées pendant le colonialisme. Les pays colonisés appellent à une révision du savoir produit sur eux.

La suite

Aux prochains épisodes, on vous parlera de notre découverte de la MYNE, et d’un petit caillou sur notre chemin.

Le biclou c’est fantastique :

(Vous noterez l’habile coordination vestimentaire imprévue)

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