Montpellier → Montferrier-sur-lez

Repenser son apprentissage, expérimentations et interactions safe.

Podcasts écoutés 👂☕️ :

Au moment où je publie cet article, on est à Crest (dans la Drôme) depuis quelques jours. Notre séjour à Montpellier a eu lieu du 31 mars au 7 avril.

Dans cet article je ne parle pas beaucoup de la ville, je me penche plutôt sur les rencontres et les discussions qui y ont eu lieu. Ça se passe juste après notre rencontre avec le monde des supermarchés coopératifs

Remonter aux racines

Après avoir été absorbés par la richesse des échanges à l’intercoopérative, ce n’est pas désagréable de prendre un rythme plus doux.

Stéphane est dans les parages. On profite de sa présence : il lance quelques questions à Thomas pour l’aider à clarifier ses intentions sur l’écriture de son livre (Apprendre Node.js sans se prendre la tête et en français). A travers ça et la documentation de nos voyages qui prend pas mal de retard, je me rends compte que l’écriture est un exercice d’endurance, qu’on peut vite perdre son souffle sans quelques regards extérieurs, quelques discussions qui viennent nourrir la réflexion et qui redonnent des forces.

Au détour de nos échanges avec Stéphane, on aborde pas mal de choses, dont beaucoup font écho à notre itinérance :

  • Questionner l’apprentissage. Muscler le réflexe d’aller chercher des ressources de soi-même. J’ai parfois entendu que c’est un des signes de la sortie de l’enfance. Trouver son chemin, partir à la recherche de solutions, tester des choses, tout ça fait partie de la culture informatique, radicalement différente de celle de l’école, où on attend que le savoir/la solution nous soit fourni(e). Quand on étend ça à d’autres domaines de notre vie, on mesure l’ampleur de la tâche. Comment remettre en question nos apprentissages sur nous-même, tirer des leçons de nos expériences, faire différemment ?

  • L’émergence plutôt que la prédictivité. Pourquoi vouloir à tout prix cartographier l’avenir alors que nos environnements sont mouvants et nos projets de plus en plus complexes ? Pourquoi ne pas plutôt pratiquer l’adaptabilité, la réactivité ? Là aussi, il faut désapprendre et noter sa propre volonté de contrôle et de maîtrise, qui vient d’un sentiment d’insécurité. Comment créer chez soi le bon équilibre entre l’anticipation et la spontanéité ?

  • D’expérimentation et d’iterations. Encore une pratique courante dans l’informatique. Je pense que c’est celle que j’aime le plus. Je me retrouve souvent bloquée dans des projets parce que :
    • J’ai une peur panique de l’échec, je crois que je ne suis pas seule et je me soigne
    • Je m’attaque à des trucs trop gros et ça donne le vertige. Et alors que faire pour avancer quand même ? Découper en plus petits morceaux, tester, être attentive à mes intuitions. Réajuster si besoin, et recommencer.
  • Le retour régulier au “pourquoi” de nos projets. C’est la fameuse quête de sens. Ça peut sembler ambitieux, mais se reconnecter avec une intention claire peut aider à se débloquer quand on s’embourbe, et à plein de niveaux.

  • Le double tranchant de la recherche d’efficacité. Ce n’est pas toujours approprié. Ça peut sembler contre-intuitif mais il faut parfois savoir se détacher de cette notion. Qu’est-ce qu’on sacrifie quand on recherche l’efficacité à tous prix ? “Your productivity doesn’t define your worth” hein on n’oublie pas.

Passer à la pratique

Stéphane développe des sessions d’apprentissage déambulatoires qu’il appelle des “Walking Dev”. Vous noterez que j’évite soigneusement le mot “formation”, ce n’est pas forcément l’esprit. En petit groupe, les participants discutent d’un sujet, échangent leurs idées et leurs retours d’expérience, en marchant et en se déplaçant de lieu en lieu. Histoire de décentraliser / dé-verticaliser le savoir, favoriser l’intelligence collective et le partage, sans être statique.

Stéphane connait mon expérience passée en communication web, mon goût pour la transmission de savoir et l’amplification d’initiatives. Il lance la piste de faire un walking dev axé communication. C’est un métier (ou une pratique) qu’il voit peu évoluer malgré l’arrivée de nouveaux outils et de nouvelles cultures de travail. Je me suis souvent frottée au dédain pour ce métier. Le milieu open source y est particulièrement allergique. De quoi parle-t-on quand on dit communication ? Qu’est-ce que ça englobe ? Publicité - marketing - présentation - documentation ? C’est un domaine globalement assez mal vu, ça pourrait être intéressant de creuser la raison de cette gêne. Trouver des stratégies pour faire connaître des projets qui méritent qu’on parle d’eux (positive twist). Quelles pratiques éthiques pour la communication ?

Montferrier-sur-lez

On profite d’être dans les parages pour sortir de la ville et rendre visite à Julia. On l’a rencontrée l’année dernière pendant Sudweb, et depuis on avait discuté à quelques reprises. Julia a fabriqué plein de manières de travailler la valeur dans des projets. Elle anime des ateliers, des forums ouverts, et elle est vidéaste. Elle a rencontré les pratiques agiles par le biais de la communication non-violente une tangente par rapport à nous. On a passé la soirée à cuisiner des légumes rôtis pour faire des tartines avec le pain maison de Thomas.

La vue depuis la terrasse, un Thomas dans son habitat naturel

On lui a raconté notre retour d’Angleterre, les différences structurelles, sociales, culturelles et quotidiennes qu’on observe entre ici et là-bas.

On parle de nos relations à nos familles, de la vulnérabilité comme cadeau. Chez elle, on trouve ici et là des clins d’œil pas anodins à des discussions passées et des préoccupations récentes.

Être en relation

/ut7, au cours d’un de leurs forums ouverts hebdomadaires, avaient évoqué Virginia Satir et ça avait éveillé ma curiosité. Je retrouve son poème “Être en relation” affiché chez Julia :

Je veux t’aimer sans m’agripper, T’apprécier sans te juger, Te rejoindre sans t’envahir, T’inviter sans insistance, Te laisser sans culpabilité, Te critiquer sans te blâmer, T’aider sans te diminuer, Si tu veux m’accorder la même chose, alors nous pourrons nous rencontrer, nous enrichir l’un l’autre.

Ça me fait penser à un poème qui m’avait marquée pendant mes études, “Tu seras un homme, mon fils” de Rudyard Kipling (“If—” en version originale), en moins genré, en plus concis.

Honnêtement, c’est le projet d’une vie, non ? Qui nous apprend à être avec les autres comme ça ? A travailler finement nos besoins, nos interactions et nos relations ?

J’ai la même sensation d’écho à mes réflexions actuelles quand je lis les regrets des mourants (aussi affichés chez Julia) :

  • J’aurais aimé avoir eu le courage de vivre la vie que je voulais vraiment, pas celle que les autres attendaient de moi.
  • J’aurais dû travailler moins.
  • J’aurais aimé avoir le courage d’exprimer mes sentiments.
  • J’aurais aimé garder le contact avec mes amis.
  • J’aurais aimé m’accorder un peu plus de bonheur.

Bon. Ça résume plutôt bien tout ce qui se trame pour moi en ce moment. Dans l’itinérance, la volonté de bricoler sa vie sans se laisser happer par des habitudes, faire des choix conscients plutôt que de les “subir” (je ne sais pas, l’endroit où on habite par exemple)… Susciter des rencontres aussi.

C’est un superbe projet qui remet beaucoup de choses en question. Un voyage qu’on a la chance de faire et qui vient bousculer des repères qu’on ne savait même plus qu’on avait, ou dont on ne s’apercevait pas qu’on avait besoin.

On se balade dans Montferrier-sur-lez, en contrebas du chateau, et on tombe devant les grilles d’un genre d’amphithéâtre. Hop, on nous ouvre, et on trouve notre espace de travail et de discussion de l’après-midi.

La vie de château, le travail à distance, tout ça.

Les environnements et interactions safe

L’expérience de Julia en communication non-violente m’intéresse à fond, et comme ça, au soleil, on se dit qu’on aimerait bien prolonger cette discussion sur les environnements et les interactions safe. Depuis, on s’appelle et on discute de formats d’ateliers / de contenus sur ce sujet. Si ça vous intéresse, on documente nos discussions.

Rencontre fortuite

En repartant, on tombe sur Jean-François, un habitant du coin qui nous demande de lui filer un coup de main pour transporter son composteur. Il nous invite chez lui et nous dit avec ses yeux malicieux comme jamais qu’il peut nous montrer “le plus beau cul de Montferrier” (qui, il se trouve, est un tronc d’arbre qui ressemble vraiment étrangement à une paire de fesses), il est trop ravi de se balader avec nous. On partage l’apéro à une terrasse de café avant de se dire au revoir. (Sans oublier de parler de la politique de Macron et de demander plusieurs fois à Julia si elle est mariée, Jean-François ne perd pas le nord). Rencontre exceptionnelle.

Cuisine créative et yoga intuitif

J’ai la chance d’être dans le coin pour participer à un atelier de Bénédicte, une créatrice culinaire hors pair (ça rime honhon). La soirée préfigurait sa semaine de retraite yoga et cuisine créative à St Guilhem le désert (un des plus beaux endroits de la région paraît-il). J’ai démarré l’atelier avec ce style de yoga inconnu au bataillon, centré sur la posture et les mouvements fournis avec le moins d’effort possible. Encore une fois, on désapprend des mouvements “mauvais” appris sur le tas au profit de mieux écouter son corps. Ensuite, j’ai expérimenté jusqu’à plus soif avec tous les ingrédients fournis pour créer des bouchées : il y avait des cuirs de fruit de folie, des cristaux de verveine citronnée, de la pâte de pistache… Même si j’essayais maintenant de dresser la liste, ça ne rendrait pas justice à la pléthore d’ingrédients sous nos mains. Je n’avais jamais essayé ça avant et j’ai adoré tâtonner et trouver un tas de combinaisons possibles (pour mieux les goûter après of course).

Aperçu de grosse faim de crêpe chantilly au festival de la BAF, du street art que j’aime, et de la déconcentration dont je suis responsable.

Montpellier, we’re not done

Pour ponctuer ce séjour Montpellierain, rien de tel que le festival de la Bière Artisanale de Figuerolles (dont nous avait parlé une coopératrice de la Cagette) qui nous fait découvrir un autre quartier.

Grâce aux connexions avec la Cagette et avec Julia, on poursuit les échanges à distance.

D’un naturel sans égal avec mes bugnes à La Panacée

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