La MYNE, tiers-lieu citoyen et auto-géré

Lyon, deuxième épisode

Notre première visite à la MYNE remonte au mois d’avril dernier. Après MiXiT (premier épisode lyonnais), on a pu profiter de Lyon quelques jours et passer du temps à découvrir ce lieu dont on nous avait beaucoup parlé. Fin octobre, on est retournés à la MYNE l’espace d’un après-midi.

La MYNE, c’est quoi ?

C’est La Manufacture des Idées et Nouvelles Expérimentations. C’est un Tiers-Lieu installé à Villeurbanne depuis début 2015.

C’est un espace qui accueille des gens pour : cuisiner, apprendre, partager des savoirs, bricoler, expérimenter, rechercher, se tromper, échanger, travailler…

Résister aux définitions

La MYNE, comme les Tiers-Lieux en général, sont fluctuants, sont multiples, et se plaisent à résister aux catégories existantes. Chaque lieu reflète les personnes au cœur du projet.

Un Tiers-Lieux ne se définit pas par ce que l’on en dit mais ce que l’on en fait  : il s’agit donc d’en faire l’expérience ! (source)

La MYNE est un laboratoire de recherche pour les citoyen.ne.s qui expérimentent le futur. La MYNE est un espace hybride partagé et ouvert. […] Elle regroupe les fonctions de hacklab - laboratoire communautaire ouvert - d’atelier de fabrication - d’espace de co-working - espace de travail partagé et en réseau - et d’espace de vie.

Des idées en arborescence, des idées fourchues, des nouvelles manières d’envisager le travail… Vous l’avez saisi, ce sont des sujets qui nous habitent. Naturellement, on est très curieux des personnes qui mènent des réflexions proches.

En s’appuyant sur la philosophie du Do It Yourself et par extension le Do It Together, ou plus largement des Tiers-Lieux, il s’agit d’apprendre en faisant.

Pourquoi la MYNE en particulier ?

Notre premier contact avec la MYNE, c’est à la Biennale du design de Saint Etienne.

La biennale du design

La Biennale présente plusieurs expositions dans les anciennes manufactures d’armes devenues la Cité du Design. En 2017, elle explore le travail et ses mutations. C’est Fork the world, une halle entièrement dédiée aux Tiers-Lieux qui nous initie à cette idée. Qui fait vivre ces nouveaux lieux, qu’y fait-on et pourquoi ?

Flashback

Le jour où on a décidé de quitter Londres, on se baladait le long d’un canal et on s’est dit “et si on partait, et si allait voir les Tiers-Lieux en France ?”. Notre intuition c’était que la présence de ces lieux signifiait quelque chose de différent dans la manière de construire les choses, que ça soit le travail ou le rapport à la ville. C’est en voyant la MYNE et tous ces nouveaux lieux citoyens qu’on a réalisé qu’on voulait s’en rapprocher, dans l’optique d’y contribuer.

Canal

Origines de la MYNE

On a eu la sensation (peut être erronée, mais qu’importe) que la MYNE fait partie de la première vague des Tiers-Lieux en France. D’abord appelée La Paillasse Saône (en référence au lab de biohacking déjà implanté à Paris), la MYNE a ensuite développé son identité propre.

Elle est très proche dans l’éthique des premiers hackerspaces installés aux Etats-Unis à la fin des années 90 (Noisebridge, par exemple, à San Francisco). Autonomie technologique et souveraineté sont au cœur des idéaux des tiers-lieux, d’ailleurs rassemblés sous l’acronyme TILIOS : Tiers-Lieux libres et open source, pour appuyer la dynamique de partage de connaissances, la libre circulation, les biens communs qui sont des fondements de ce mouvement.

Opportunité

Notre venue sur place a été facilitée car Thomas avait rencontré deux mynois•es avant le début de notre itinérance : Maxime et Mélia.

C’est d’ailleurs Mélia qui nous accueille pendant notre séjour lyonnais. Le premier soir, elle nous invite à nous joindre à un dîner de copains durant lequel on rencontre Charlotte, Rieul, Manu et encore d’autres autour d’un repas délicieux. De la MYNE, on découvre les visages avant de découvrir le lieu.

Aquaponie, jardin et salon ensoleillé

LA MYNE, le « lieu » et le « tiers »

La MYNE loue une maison à la Métropole de Lyon depuis début 2015.

Le lieu en lui-même ressemble à la maison de vos voisins : il y a des choses qui prennent forme dans le jardin, il y a du matériel entreposé un peu partout, de la récup, des ébauches de projets. L’Atelier Soudé, un collectif de réparation électronique qui lutte contre l’obsolescence programmée et milite en faveur de la réappropriation des appareils électroniques, est installé au rez-de-chaussée.

En découvrant les lieux, j’ai éprouvé un genre de familiarité. Ici, pas de première impression marquante, de toute manière, ce n’est pas franchement le but. Et pourtant, ça fourmille. Ce qui est intéressant dans cet espace, c’est plutôt les possibilités qu’il génère. La vie du projet, c’est celle du collectif qui s’y implique.

C’est la partie qui est la moins visible d’un tiers-lieu et pourtant c’est vraiment là que se joue la différence la plus importante. C’est ce qui définit le mode de fonctionnement du lieu : modèle de gestion collective, gouvernance et vision partagée.

La MYNE est un laboratoire d’expérimentations, ce qu’on expérimente ici ce sont des projets de nature technologique, botanique, électronique… Et citoyennes. C’est un espace et un groupe qui vit avec des principes d’auto-gestion, d’éducation populaire, d’ouverture, de coopération. Ici, on apprend du vécu, on reconfigure en fonction des besoins fluctuants.

Association loi 1901 depuis Décembre 2014, la MYNE a dissout son conseil d’administration en Décembre 2015 pour expérimenter un modèle de gouvernance plus ouvert et démocratique au travers d’une gouvernance centrée sur un Conseil Collégial.

Ce qu’on a décidé d’y faire

Le jour-même, on a vu/vécu :

  • Visite du lieu avec le concierge du jour
  • Un atelier mené par Thomas sur Node.js
  • La cuisine et le repas tou•tes ensemble : l’occasion de rencontres avec un écosystème (Nicolas Loubet - discussions sur la recherche-action)
  • Contribution au site web : améliorer l’affichage du calendrier (c’était plus facile à faire parce qu’on s’était parlé/rencontré)
  • Aménagement d’espaces

Finalement, on repart avec quoi ?

Avec un vécu du caractère authentique de la MYNE, un vécu qui donne la meilleure compréhension de l’aspect vivant d’un lieu opéré en collectif.

On retient aussi :

  • le caractère hyper ouvert : tout le monde peut proposer un évènement à la MYNE, la programmation n’est pas assurée par quelqu’un en particulier.
  • l’ambiance de confiance a priori,
  • la documentation des évènements : retransmission vidéo en direct et/ou prise de notes pour le suivi à distance indique le soin de diffuser ce qui se partage pendant l’événement, y compris pour des personnes qui ne seraient pas physiquement présentes. Conscience d’archivistes / de personnes attentives à partager le savoir qui se produit.
  • L’autonomie : chacun•e est invité•e à trouver ses marques et se débrouiller pour savoir ce qu’on veux faire, et le réaliser. Culture de l’indépendance et la débrouillardise, l’apprentissage partagé.
  • La convivialité : la maison fait qu’on se sent à la maison. (La cuisine est une pièce importante !)

Les Tiers-Lieux ont le vent en poupe…

Récemment, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) a commandé un rapport à la fondation Travailler Autrement intitulé Mission coworking – Territoires, travail, numérique. Dans la synthèse du document, on aborde une multiplicité d’espaces qui ont fleuri récemment : “les 1 800 tiers lieux identifiés sur l’ensemble du territoire hexagonal présentent une grande diversité de typologies (coworking, fablab, makerspace, hakerspace, livinglab…).”

Et le résultat de cette consultation ?

L’État s’engage à hauteur de 110 millions d’euros pour aider à la création et la pérennisation des tiers lieux dans les territoires.

Et voilà ce que ça nous évoque :

  • Ce qui sonne comme une aubaine en est-il vraiment une ?
  • Les vagues de financements publics ont du bon et du mauvais : il y a eu la vague fablab, arrive celle des Tiers-Lieux. Quels effets à noter pour ce soutien institutionnel soudain ?
  • Si ce sont des lieux autonomes, et que les subventions mettent en péril la viabilité économique à long-terme, pourquoi et quoi financer ?
  • Les Tiers-Lieux ont pas mal de gènes en commun avec les ZAD. On financerait l’un et détruirait l’autre ? Incohérence.

Pour poursuivre

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